Histoire des marques

Rolex : un siècle d’excellence horlogère


Par JP.Tarot et F.Crozier, Mercredi 12 Novembre 2025 pour Montres-de-luxe.com

En un peu plus de cent ans, Rolex a façonné bien plus qu’une marque : une légende. Symbole d’exactitude, d’endurance et d’élégance fonctionnelle, elle a transformé la montre-bracelet en instrument universel, capable de traverser les époques et les océans. Derrière ce succès planétaire, un homme visionnaire : Hans Wilsdorf.


Hans Wilsdorf, la vision d’un pionnier

Tout commence en 1905, à Londres. Hans Wilsdorf, jeune entrepreneur allemand, fonde avec Alfred Davis la société Wilsdorf & Davis, spécialisée dans la distribution de montres. À contre-courant de son époque, il croit en la montre-bracelet, alors considérée comme un simple bijou féminin.

Trois ans plus tard, il dépose un nom appelé à devenir mythique : Rolex.

Court, prononçable dans toutes les langues, aisément lisible sur un cadran, il sonne comme une signature moderne. La légende veut qu’il l’ait imaginé en entendant le cliquetis régulier des roues d’un omnibus londonien sur les pavés.

Dès 1910, Rolex obtient le premier certificat officiel de chronomètre pour une montre-bracelet délivré en Suisse.

Quatre ans plus tard, un chronomètre Rolex reçoit à Bienne le prestigieux certificat de précision de classe A, jusqu’alors réservé aux instruments marins. L’excellence chronométrique est désormais au cœur de l’ADN de la marque.

Après la Première Guerre mondiale, Wilsdorf transfère son entreprise à Genève, capitale mondiale de l’horlogerie, et rebaptise sa société : Rolex SA. La destinée de la marque est en marche.

L’Oyster : la révolution de l’étanchéité

En 1926, Rolex bouleverse l’industrie horlogère avec la présentation de la Rolex Oyster, première montre au monde totalement étanche.

Son boîtier hermétique, muni d’une lunette, d’un fond et d’une couronne vissés, protège le mouvement de l’eau et de la poussière.

On raconte qu’Hans Wilsdorf aurait décidé de baptiser sa montre du nom Oyster lors d’un diner... Alors qu’il rencontrait de grandes difficultés à ouvrir l’une de ses huîtres (Oyster, en anglais), il indiqua à ses invités qu’il espérait que sa nouvelle pièce serait aussi résistante que ce coquillage… La légende était en marche. 

Pour prouver cette avancée, Wilsdorf orchestre un coup de communication incroyable pour l'époque, resté dans les annales : en octobre 1927, la nageuse britannique Mercedes Gleitze traverse la Manche avec une Oyster au poignet (modèle « Oyster Precision, No. 34075 »). Après plus de quinze heures dans une eau glaciale, la montre fonctionne toujours parfaitement. Le lendemain, Wilsdorf publie une publicité pleine page dans le Daily Mail : « Une montre merveilleuse qui défie les éléments. » Le ton Rolex est né : audace, preuve et fiabilité.

Le rotor Perpetual : l’énergie du mouvement

En 1931, la maison dépose le brevet du système « Perpetual », mécanisme automatique à rotor bidirectionnel. Grâce à lui, la montre se remonte par le simple mouvement du poignet. L’innovation rend la montre-bracelet autonome, libérée du remontage manuel.

Ce concept, perfectionné sans relâche, demeure encore aujourd’hui au cœur de tous les mouvements Rolex. La marque scelle ainsi sa réputation : précision, robustesse, et génie mécanique.

Tudor, la sœur cadette de Rolex

Dès 1926, Hans Wilsdorf dépose également la marque Tudor. Son ambition est claire : proposer des montres offrant la même robustesse et le même esprit technique que Rolex, mais à un prix plus abordable.

Les premières Tudor reprennent les boîtiers étanches Oyster et les bracelets robustes de la maison mère, tout en utilisant des mouvements tiers soigneusement sélectionnés. Ce projet parallèle traduit la vision de Wilsdorf : démocratiser la qualité suisse sans compromis esthétique.

Tudor devient rapidement une marque à part entière, soutenue par Rolex, dotée de son propre logo — la célèbre rose Tudor — et de sa propre identité, ancrée dans la montre-outil.

Au fil des décennies, Tudor s’imposera comme le laboratoire du style sportif de Rolex, avant de retrouver, dans les années 2000, une place de choix sur la scène horlogère internationale.

Les années 1950 : l’ère des montres d’exploration

Au lendemain de la guerre, Rolex s’impose comme la marque des aventuriers et des professionnels.

En 1953, la Submariner inaugure l’ère des montres de plongée modernes, étanche à 100 mètres. La même année, l’Explorer célèbre l’expédition victorieuse de Sir Edmund Hillary et Tenzing Norgay sur le sommet de l’Everest : la montre n’a pas failli, malgré le froid et les chocs. Ces exploits, soigneusement relayés, ancrent la marque dans la culture de la performance.

En 1955, la GMT-Master séduit les pilotes de la Pan Am en affichant simultanément deux fuseaux horaires.

L’année 1956 voit la naissance de la Day-Date, première montre à indiquer la date et le jour de la semaine en toutes lettres. Quant à la Milgauss, elle résiste aux champs magnétiques grâce à sa cage en fer doux — une prouesse destinée aux scientifiques et ingénieurs travaillant en laboratoire.

En 1967, la Sea-Dweller ajoute à la gamme une valve à hélium, permettant aux plongeurs professionnels d’évoluer à plus de 600 mètres de profondeur. Rolex ne vend plus seulement des montres : elle propose des instruments pour défier les éléments.

Jusqu’aux abysses : l’épopée du bathyscaphe Trieste

Le 23 janvier 1960, un événement consacre cette réputation. Accrochée à la coque du bathyscaphe Trieste du professeur suisse Auguste Piccard, une montre expérimentale baptisée Rolex Deep Sea Special atteint 10 916 mètres de profondeur dans la fosse des Mariannes.

Après cinq heures de descente, elle remonte intacte, sans la moindre infiltration. Ce télégramme parvient alors au siège genevois : « Votre montre a parfaitement résisté à la pression. » Le monde entier retient son souffle : Rolex vient de prouver que le temps lui-même pouvait descendre au plus profond de la Terre.

Des ateliers à la légende : l’ère Heiniger

Quelques mois plus tard, Hans Wilsdorf s’éteint à 79 ans. André Heiniger, ingénieur maison, prend la direction de la société. Sous sa conduite, Rolex traverse les décennies avec une constance exemplaire.

Dans les années 1970, alors que la crise du quartz secoue l’horlogerie suisse, Rolex choisit une autre voie : la durabilité. Elle perfectionne son savoir-faire mécanique, renforce son contrôle qualité et investit dans l’autonomie industrielle. Pendant que d’autres marques se tournent vers l’électronique, Rolex réaffirme sa foi dans la précision mécanique — et gagne la bataille du temps long.

En 1980, la Sea-Dweller 4000 repousse encore les limites de la plongée avec une étanchéité de 1 220 mètres. Cinq ans plus tard, la moitié de tous les chronomètres certifiés en Suisse sortent des ateliers Rolex.

En 1990, la marque célèbre la production de sa dix millionième montre officiellement certifiée COSC. Entre-temps, la Daytona devient une icône planétaire, portée par Paul Newman et transformée en légende lorsqu’un modèle personnel de l’acteur atteint plusieurs millions de dollars aux enchères. La montre née pour la course devient le symbole du style et de la réussite.

Un héritage transmis, une indépendance renforcée

En 1992, Patrick Heiniger succède à son père et poursuit la politique d’intégration verticale. Rolex maîtrise désormais l’ensemble de sa production : de la fabrication de l’acier 904L à la coulée de ses propres alliages d’or.

En 2003, la marque fête le cinquantième anniversaire de la Submariner avec un modèle à lunette verte devenu instantanément collector.

En 2007, la Milgauss revient sur le devant de la scène avec son aiguille éclair orange, clin d’œil à la version originale de 1954. Rolex ne cède jamais à la mode, elle réinterprète ses classiques.

Du XXIᵉ siècle à aujourd’hui : innovation maîtrisée

Au fil des années, la maison perfectionne ses technologies : lunette Cerachrom inrayable, spiral Parachrom Bleu insensible aux champs magnétiques, boîtier en céramique et métaux nobles.

En 2015, la certification Superlative Chronometer double les exigences de précision du COSC. Chaque montre sortie de Genève affiche un écart maximal de deux secondes par jour, un record industriel.

En 2023, l’acquisition du distributeur suisse Bucherer consacre une stratégie de contrôle total : Rolex supervise désormais aussi la distribution de ses produits, garantissant un service uniforme et irréprochable.

Un art de la discrétion et de la constance

Malgré une production dépassant le million de montres par an, Rolex cultive la retenue. Pas de campagnes tapageuses, peu d’interviews : la communication passe par les faits. Chaque apparition publique d’une Submariner, d’une Explorer ou d’une Daytona renforce le mythe.

Dans un monde d’instantanéité, la marque reste fidèle à une idée simple : le luxe n’a pas besoin de se justifier, il se constate. L’écart entre la demande et l’offre alimente la rareté, mais aussi la fidélité des collectionneurs.

Une icône intemporelle

Un siècle après la première Oyster, Rolex demeure la référence absolue de la montre mécanique. Son histoire n’est pas une succession de modèles, mais un récit cohérent où chaque innovation répond à un besoin réel : étanchéité, robustesse, lisibilité, fiabilité.

Chez Rolex, le progrès se mesure à la constance. La marque a traversé les crises, les modes et les révolutions technologiques sans jamais renier son identité. Elle incarne le temps maîtrisé — celui qui passe, mais ne s’altère pas.

Hans Wilsdorf disait : « Nous voulons que chaque Rolex dure toute une vie, et plus encore. » Un siècle plus tard, cette promesse résonne toujours comme le cœur battant de la marque à la couronne.

Texte original (2008) par Jean-Philippe Tarot - Rédacteur en Chef , mis à jour (2025) par Fabrice Crozier - directeur de la publication, pour Montres-de-luxe.com

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