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Rolex et le projet BLOODHOUND SSC : Interview d’Andy Green


Andy Green est l’actuel détenteur du record mondial de vitesse terrestre et la seule et unique personne à avoir franchi le mur du son au sol. Avec son diplôme en mathématiques de l’Université d’Oxford et ses années d’expérience en tant que pilote de chasse, l’homme le plus rapide sur terre est le conducteur idéal de BLOODHOUND SSC.


Andy Green
Quelles sont les clés du succès pour battre un record de vitesse terrestre ?

L’ancien ingénieur et détenteur du record de vitesse Ken Norris avait une expression simple et incroyablement percutante pour parler des secrets d’un record de vitesse : les quatre M – man, machine, means, medium –, en d’autres termes le pilote, le véhicule, les ressources et l’endroit propice à la course, c’est-à-dire la piste. Notre incroyable chance, c’est que Richard Noble, notre directeur de projet, est attentif à ces quatre paramètres et réussit à trouver le bon équilibre entre eux.
 
Comment percevez-vous votre rôle de pilote du véhicule le plus rapide au monde ?

Mon objectif est simple : pour moi, battre le record de vitesse terrestre, c’est parcourir le « measured mile » dans les deux sens à une vitesse encore jamais atteinte. Dans ce cas précis, nous nous sommes mis d’accord sur une vitesse particulière, 1000 miles à l’heure (1609 km/h). Car il ne s’agit pas seulement de battre notre propre record. Il s’agit aussi de nous engager dans une aventure à la pointe du développement technologique. Et comme c’est toujours le cas dans l’univers de la haute technologie et des courses automobiles, le travail d’équipe compte plus que le pilote.
 
Quelles sont les compétences nécessaires pour piloter ce véhicule ?

Les défis à relever sont plus ceux d’un pilote d’essai que ceux d’un pilote de course. Il en va de même pour les compétences. C’est pourquoi mon expérience de pilote de chasse habitué à maîtriser la précision, l’exactitude et le contrôle de la vitesse est parfaitement adaptée à cet exploit ; bien plus, je crois, que si j’avais une expérience de pilote de course.
 
Un pilote de course est très bon pour effectuer un éventail restreint d’opérations à un niveau très élevé. Par exemple, il sait parfaitement foncer aussi vite que possible dans les virages et les lignes droites. Moi, il faut que je me préoccupe de 10, 20 ou 30 choses à la fois, des vents latéraux, des roues, de l’alimentation en énergie, de la température de refroidissement, et j’en passe. Il y a des tas de choses à contrôler, et je peux remercier la Royal Air Force de m’y avoir si bien préparé.

 
Pourquoi avoir accepté de relever le défi ?

C’est moi qui, pour la première fois au monde, ai franchi le mur du son au volant de Thrust SSC. C’était il y a dix-sept ans, et le record tient toujours. Et puis nous avons réfléchi à ce que pourrait être le défi suivant. Au départ, je participais au projet en tant que consultant. J’étais tout simplement subjugué. Il faut dire qu’à la base, je suis mathématicien et pilote de chasse. Tous les aspects scientifiques et technologiques, mais aussi les enjeux inhérents à la fabrication d’un véhicule supersonique encore plus rapide, capable de rouler à 1000 miles à l’heure (soit une vitesse terrestre encore jamais atteinte par un avion de chasse dans toute l’histoire), me fascinaient. Lorsque nous nous sommes demandé qui piloterait le véhicule, il s’est avéré que ma candidature était tout aussi valable qu’une autre, surtout vu mon expérience. J’ai eu de la chance : l’équipe était d’accord, et c’est moi qui ai été retenu.
 
Pourquoi 1000 miles à l’heure ?

Notre record mondial de vitesse terrestre est de 763 miles à l’heure, juste au-dessus de la vitesse du son. Dépasser ce seuil signifierait de toute façon établir un nouveau record mondial. Notre démarche est cependant bien plus ambitieuse. Si nous nous sommes fixés un objectif aussi extrême, c’est parce que nous voulions nous lancer dans une aventure technologique qui, en repoussant véritablement les limites de la physique, inspire les jeunes. Or, dans le monde réel, la limite en termes de réacteur, de roues ou d’aérodynamique permettant d’assurer la stabilité du véhicule roulant à une vitesse supersonique se situe aux alentours de 1000 miles à l’heure. C’est pourquoi nous en avons fait notre objectif.

Andy Green
Comment le projet BLOODHOUND a-t-il vu le jour ?

En 2006, Richard Noble et moi-même assistions au 75e anniversaire de la Coupe Schneider (course de vitesse pour avions des années 1920-1930).

Paul Drayson, futur ministre des Sciences et de l’Innovation, avait alors dit que pour lui, le plus grand problème du Royaume-Uni et de l’Europe occidentale était la pénurie de scientifiques et d’ingénieurs. Selon lui, on n’arrivait pas à intéresser suffisamment de jeunes à ces professions.

Au temps des missions spatiales Apollo ou de la construction du Concorde, il était facile de susciter l’engouement de la jeune génération pour les sciences et la technologie.
 
Malheureusement, rien d’autre n’avait pris le relais. C’est pourquoi nous avons lancé cette idée de véhicule atteignant 1000 miles à l’heure. Pour montrer à la jeunesse que les sciences et la technologie avaient des applications concrètes. L’objectif est que, pour les jeunes d’aujourd’hui, BLOODHOUND soit le pendant d’Apollo.

 
Comment arrivez-vous à rendre les sciences et la technologie passionnantes ?

Aller vite dans le seul but d’aller vite reviendrait à tenter l’ascension de l’Everest en étant juste un peu plus rapide que quiconque, ou à gravir un sommet légèrement plus élevé. Rouler à une vitesse supersonique 31% plus élevée qu’à la dernière tentative pour atteindre, comme nous le voulons, le seuil incroyable de 1000 miles à l’heure, c’est placer la barre bien plus haut. Et encore, nous ne nous rendons même pas compte aujourd’hui à quel point cela va être difficile. Nous allons être confrontés à des paramètres que nous n’avons pas encore pu prévoir. Et c’est ça qui est passionnant.
 
BLOODHOUND est à tous les égards un projet inédit, fascinant, différent. Nous repoussons les frontières dans tous les domaines, aussi loin que possible. Toutes nos données sont publiques. Nous avons déjà mis en ligne tous les schémas 3D du véhicule, démarche qui n’avait encore jamais été adoptée par une équipe de course. Nous allons publier les profils de la course avant le jour J, diffuser les images et les données en direct, publier notre analyse de la tentative et expliquer comment nous allons aborder la course suivante. Le monde entier pourra ainsi assister à la plus grande expérience scientifique jamais réalisée. Des centaines de millions de personnes y prendront part, et elle sera concrète pour toute une génération. Si nous présentons le projet comme il faut, les gens ne se rendront même pas compte qu’il s’agit d’une expérience scientifique de très grande envergure. Pour eux, ce sera simplement une incroyable aventure.

 
Juste après avoir franchi le mur du son en 1997 avec Thrust SSC, vous considériez, tout comme d’autres, qu’atteindre 1000 miles à l’heure était infaisable. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Nous aurions eu du mal à concrétiser notre projet sans les techniques ultrasophistiquées qu’offre la mécanique des fluides numérique (MFN). Or, celles-ci n’existaient pas il y a quinze ou vingt ans. Dès lors que cette technologie est apparue, nous nous sommes donné trois ans pour trouver une forme permettant d’obtenir une aérodynamique stable sur toute la plage de vitesse. En fait, il nous a fallu cinq ans. La problématique était bien plus complexe que prévu, même avec la MFN d’aujourd’hui.
 
Il faut ajouter que la technologie des moteurs-fusées à propulsion hybride n’existait pas il y a vingt ans. Nous aurions pu faire autrement, mais rien ne nous aurait permis d’obtenir le niveau de sécurité et de contrôle que nous voulions. Idem pour le niveau de précision. La technologie et le matériau que nous avons utilisés pour que les roues atteignent 10 300 rotations par minute étaient inconnus il y a vingt ans – les alliages dont nous avions besoin n’existaient tout simplement pas. L’alliage d’aluminium 7037 date d’il y a quelques années seulement. Alors, rouler à 1000 miles à l’heure il y a vingt ans ? Impossible. Et aujourd’hui ? Probable. Et si je dis « probable », c’est pour rester humble face aux lois de la physique.

Rolex et le projet BLOODHOUND SSC : Interview d’Andy Green
Quelle est votre position face aux risques inhérents à un tel projet ?

Je pense à une très belle citation à propos de l’aviation qui s’applique tout aussi bien au record de vitesse terrestre : voler n’est pas dangereux en soi. Mais – et c’est pareil lorsque l’on prend la mer –, la moindre erreur ou inattention ne pardonne pas.

En soi, le record de vitesse terrestre n’a rien de dangereux, mais le moindre écart est tout de suite fatal. Conclusion : pour faire les choses correctement – et c’est ce que nous faisons –, nous devons mettre au point un véhicule extrêmement bien pensé dans ses moindres détails. Il nous faut développer de nouvelles technologies qui permettent au véhicule de rester au sol, qui feront que sa structure résistera aux chocs et qu’il y aura assez de puissance à bord.

Puis, étape par étape, il faudra tester le véhicule pour s’assurer que tous ces modèles informatiques, toute cette théorie sont transposables à la réalité. Pour résumer, il faut que, jour après jour, nous fassions les choses bien.

 
Pourquoi avez-vous demandé à Rolex de développer des instruments de bord sur mesure ?

Lorsque nous nous sommes associés à Rolex il y a trois ans, j’ai entre autres expliqué qu’il me fallait des instruments capables de fournir, quoi qu’il arrive, des informations ultrafiables sur ce qu’il y a de plus important : le temps et la vitesse. Car tant les aérofreins, les freins à disque des roues, les parachutes que la stabilité de l’appareil sont fonction de la vitesse. Quoi qu’il arrive et à tout instant, je dois savoir avec exactitude à quelle vitesse je roule. Et Rolex a relevé le défi.
 
La manufacture a fabriqué d’une part le compteur de vitesse pour voiture de course le plus sophistiqué au monde, et d’autre part un chronographe haute précision. Ces deux instruments Rolex sont entièrement autonomes ; chacun a son propre système d’alimentation, ses propres capteurs. Et même si rien d’autre ne marche dans le cockpit, ils continuent à me donner toutes les données dont j’ai besoin pour ramener le véhicule à bon port. Etre associé à Rolex, c’est donc non seulement disposer du meilleur partenaire au monde en termes de chronométrage, mais aussi bénéficier des meilleurs instruments au monde. Et avoir des outils d’une telle fiabilité et d’une telle précision est un atout inestimable pour réussir l’exploit des 1000 miles à l’heure en toute sécurité.

 
Quelles ont été vos premières impressions lorsque vous les avez vus montés dans le cockpit ?

Ça a été une expérience incroyable de les voir dans le cockpit. Après deux ans de mise au point et d’essais, ils fonctionnaient exactement comme je le voulais. Ils dépassent toutes mes exigences, toutes mes espérances : très clairs, faciles à lire, parfaitement positionnés et extrêmement fiables. Tout ce que je veux maintenant, c’est les utiliser !
 
Vous avez été très impliqué dans la définition de leurs caractéristiques. Pourquoi avoir opté pour un affichage analogique à aiguilles ?

Tout simplement parce qu’il permet de lire plus facilement les données. C’est un fait. Ma montre, je la consulte en une fraction de seconde. Lorsque je relève les yeux, mon cerveau a mémorisé la position des deux aiguilles, et je sais qu’il est 4 heures 10. Avec un affichage numérique, je n’ai pas le temps d’intégrer aussi vite tous ces chiffres pour savoir l’heure qu’il est. Nous sommes par nature des êtres analogiques. Un affichage numérique peut fournir un grand nombre d’informations, mais il est moins convivial. C’est ce qui explique l’échec des montres numériques dans les années 1970 : au début, les gens les trouvaient super, puis ils se sont rendu compte qu’elles n’étaient pas aussi bien que cela et ont arrêté de les utiliser. Ce n’est pas pour rien que les montres ont encore des aiguilles. C’est ainsi que le cerveau fonctionne.
 
Vous possédez et portez un Cosmograph Daytona de Rolex. Que représente cette montre pour vous ?

Je porte une Rolex tous les jours, et chaque fois que je la regarde, je pense à cette culture de précision et de fiabilité, mais aussi aux liens qui unissent Rolex à la vitesse depuis 1930. Dans ces années-là, sir Malcolm Campbell battait ses records du monde une Rolex au poignet. Avec neuf records mondiaux dans cette discipline, dont cinq sur la plage de Daytona, il détient à lui seul le plus grand nombre de records mondiaux de vitesse terrestre de tous les temps. C’est presque deux fois plus que n’importe qui d’autre dans toute l’histoire. Il est le premier homme à avoir atteint 150, puis 300 miles à l’heure, multipliant la vitesse par deux, avec tous les développements techniques que cela implique. Il avait compris l’importance extrême de la précision, de la fiabilité et de la technologie de pointe. Si je devais remettre une Rolex à une personne en particulier, ce serait à sir Malcolm Campbell. Je trouve formidable qu’il figure parmi les tout premiers Témoignages Rolex. Savoir que je fais partie de cette culture et de cette histoire me remplit d’émotion.

Montres-de-luxe.com | Publié le 14 Mai 2014 | Lu 783 fois