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Aire de jeu d'Hiroshi Nakayama : le terrain libre d'un designer japonais

Par Jean-philippe Tarot, Vendredi 19 Septembre 2025 pour Montres-de-luxe.com

Il faut quitter Paris, prendre un train pour le Loir‑et‑Cher, traverser ces villages de la campagne tourangelle et suivre une petite route presque dissimulée. Au bout, se dresse une maison de pierres claires. C’est là que travaille Hiroshi Nakayama, aux côtés de son épouse, Chloé, et de leur fille. En 2019, le VIA – soutenu par le ministère de la Culture – l’a distingué parmi les French Design 100. Partons à sa rencontre pour comprendre Aire de Jeu, sa plateforme créative.


« J’essaie d’être unique dans tout ce que je conçois. Dans ma démarche, je cherche toujours à provoquer une petite surprise, un émoi dans notre quotidien » remarque Hiroshi Nakayama.
 
Né à Fukushima, formé à Kyoto (architecture d’abord, puis trois années tournées vers la mode), Hiroshi Nakayama s’installe en France à la fin des années 1990.
 
« À l’époque, on parlait beaucoup de la scène anglaise, de McQueen, de Galliano… Moi, je voulais Paris, la capitale culturelle de la mode, pas seulement sa caisse de résonance ».
 
Entré dans une grande maison, il découvre l’intensité d’un système qui ne lui ressemble pas. Il prend du recul, devient indépendant, multiplie les angles : direction artistique en cosmétique, packaging, scénographie (Milan et Paris Design Week, collaborations pour Meet My Project et 3M), puis une collection d’accessoires pour Petit « h » chez Hermès.

Ce parcours polymorphe trace une ligne simple : la précision du geste au service d’un usage réel. C’est ainsi qu’est né son projet, Aire de Jeu.
 
Aire de Jeu n’est pas une “marque” au sens classique. C’est un espace de travail, une plateforme où se rejoignent ses vies parallèles : l’architecte, le modéliste, le coloriste, l’observateur.
 
« Je voulais tout réunir : mon histoire, mon parcours. Il y a l’architecture, la mode, la couleur, l’histoire familiale. Aire de Jeu, c’est une partie de moi. Ce n’est pas une marque comme les autres, c’est une plateforme. Je veux y partager la liberté et la joie. Je n’aime pas le mot “communauté”, trop galvaudé : une aire de jeu n’enferme pas, elle ouvre ».
 
Et le designer de citer Einstein : « Play is the highest form of research ». Ici, le jeu n’est pas une pose, c’est une méthode.

L’architecture est son premier langage. « Depuis petit, je faisais des maquettes, des miniatures de voitures ; je suis fasciné par la procédure : on suit un plan et un objet naît en 3D. Comme dans Stargate, on traverse une dimension ».
 
Dans ses dessins, la géométrie est partout : trames, axes, coupes, symétries contrariées. Les objets d’Aire de Jeu semblent contenir leurs propres plans qu’il faut admirer, comme par exemple, dans les carrés de soie. La rigueur produit de la liberté.
 
Parce qu’il a travaillé dans des domaines variés -packaging, scénographie, architecture intérieure, lunetterie- Nakayama revendique des points de vue multiples sur le même objet : matière, forme, usage.
 
« Un vêtement n’est pas un objet qui prend la poussière : il doit vivre. Je n’aime pas les logos, ni cette consommation de mode. J’aime les vêtements fonctionnels, dans lesquels on se sent bien. J’aime la polymorphie induite par les vêtements. On peut y être anonyme ou visible, masqué ou soi‑même ».

Cette pragmatique nourrit Aire de Jeu : des pièces utiles, dessinées pour l’action réelle du quotidien.
 
« Le rôle principal des produits Aire de Jeu, c’est la cerise sur le gâteau dans notre vie quotidienne ».

Au centre, un souvenir, devenu motif. « Mon grand‑père avait beaucoup d’humour. Il me disait : “Je viens te chercher à la gare avec un drapeau.” Quand je revenais de la France à la campagne, il brandissait un drapeau. C’était un moment de fête ».
 
Sa famille l’a encouragé à partir -Kyoto, puis Paris- pour comprendre la mode et trouver sa voie. « J’avais besoin de liberté. Aire de Jeu me rend cette liberté. Je veux la partager. » Le drapeau, chez lui, n’est pas un signe martial ; c’est un appel, un repère joyeux.

Mais c’est surtout la couleur qui est au centre du travail de ce designer. Nakayama parle de la couleur comme d’une langue. Apple l’a un temps approché pour un poste de coloriste.
 
« J’aime la photo, surtout les photos en couleurs. Bien sûr, j’aime le noir et blanc, mais nous vivons dans un monde de couleurs. Pour moi, la couleur est une émotion. On s’exprime par les couleurs. Dans le contexte actuel, il est primordial d’y revenir. Porter des couleurs est le moyen le plus franc de s’exprimer et de cultiver notre sensibilité. C’est important : la joie ».
 
Chez Aire de Jeu, la palette n’est jamais bavarde. « Dans un carré de soie, je ne mets pas une vingtaine de couleurs. Je cherche l’harmonie. C’est comme un orchestre : trop de musiciens créent la disharmonie. Il y a un sens pour chaque note ; il en va de même pour la couleur. Je dirige la couleur comme un chef. Je veux du dynamisme, de l’harmonie, un contraste juste ».

Il raconte un voyage à Kiev : « Tout me semblait gris. J’avais envie de tout repeindre en couleur. On peut critiquer cela ; je me fiche d’être politiquement correct ». La franchise, ici, est une esthétique. 
 
« Pour moi, l’usage et l’élégance ne sont pas qu’une question de style vestimentaire. Bien sûr, mieux vaut faire attention ; mais l’élégance est intérieure : une attention aux autres, une manière légère d’aborder la société. Cette légèreté, c’est le raffinement ».
 
Aire de Jeu n’impose pas un « total look ». Elle propose un vocabulaire -des formes, des couleurs, des gestes- que chacun compose à sa mesure.
 
« Je ne veux pas créer une communauté ; je veux une aire de jeu. Un espace où l’on partage de la joie, du temps, de l’espace, sans s’enfermer dans des définitions ».
 
En somme, la marque d’Hiroshi Nakayama est moins un label qu’une invitation : à regarder mieux, à toucher juste, à porter des nuances. Une élégance intérieure qui se traduit, simplement, par des objets utiles et bien faits. Un terrain libre, vraiment.

Le 20 septembre chez Bucherer pour les Journées européennes du patrimoine
Aire de Jeu sera présentée chez Bucherer le 20 septembre, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Une grammaire courte et précise, des carrés de soie, quinze dessins, des chaussettes, une chemise et pour la maison : des motifs à installer aux murs et des tapis !



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