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L'actualité des montres de luxe et des marques horlogères de prestige

Entretien express avec un homme pressé : Jean-Claude Biver


Alors que Jean-Claude Biver vient tout juste d’être récompensé par le GPHG pour l’ensemble de sa carrière, revenons avec lui, en quelques mots, sur la situation actuelle de l’industrie horlogère suisse, un secteur qui ne serait peut-être pas exactement ce qu’il est aujourd’hui, sans son esprit visionnaire.


Joel Chassaing-Cuvillier : Est-ce que vous croyez toujours à la montre connectée dans le luxe ?
Jean-Claude Biver : De luxe est un grand mot. La montre connectée que nous vendions chez TAG coûte 1.600 euros, c’est vrai que c’est extrêmement cher. Mais comparé au prix moyen de nos montres mécaniques c’est la moins cher.
 
En revanche, une montre connectée à 10.000 euros ou même 6.000 euros, j’y crois moins. La montre connectée a une fatalité à être obsolète... C’est-à-dire, un produit jetable. Comment faire admettre à un client que l’on jette un produit à 6.000 euros qui sera obsolète dans trois ans ? Il y a une barrière qui, selon les gens, se situe à 500 ou 2.000 euros et personne n’acceptera jamais une obsolescence à 10.000 euros. Je crois aux montres connectées avec une limite de prix.
 
JCC : La garantie de cinq ans sera-t-elle une obligation marketing ?
JCB : Oui c’est une bonne chose. Mais ce n’est pas une obligation, car si vous avez un produit de bonne qualité et un bon SAV, ce n’est pas utile. En revanche, c’est un argument de vente important qui rassure les clients. Et la tradition horlogère s’accompagne très bien d’une garantie prolongée.
 
Avec Hublot, je faisais des garanties privées que j’écrivais à la main. Cela, à chaque fois qu’un client Hublot m’écrivait pour me le demander en me communiquant les références de son achat. Je faisais une garantie manuelle de cinq ans de plus. J’en ai fait des milliers par an.
 
JCC : Les outlets officiels pour liquider les invendus est-ce une meilleure solution que les soldeurs ?
JCB : Les outlets sont de toutes manières pas une bonne solution et peu compatible avec le grand luxe. S’il y a des invendus, le choix de les vendre nous-même permet un meilleur contrôle de la destination grâce à une plus grande rigueur. Le marché gris génère plus de dégâts. On voit cependant des produits d’outlet qui aboutissent quand même dans le marché gris.
 
JCC : Avez-vous un nouveau challenge en vue ?
JCB : Oui, me calmer, ne pas lâcher prise et transmettre. Continuer à rouspéter, à donner des conseils. Et j’ai passé l’âge de changer de maillot et d’équipe. Et je suis proche de la famille Arnaud.
 
JCC : La vente en ligne est-elle compatible avec l’horlogerie de luxe ?
JCB : Oui, absolument. Ce n’est pas compatible peut-être pour des personnes qui n’ont pas l’habitude d’acheter en ligne. Mais la nouvelle génération qui est née avec la vente en ligne n’a aucun problème avec ce système.
 
Les produits chers ne peuvent pas être exclus de la vente en ligne à l’instar de ces Lamborghini qui le 11/11/2017 ont été vendues 300 000 frs en 18 secondes. Qui aurait pu penser que cent Lamborghini auraient été vendues sur le « On line ».
 
JCC : Récemment un CEO m’a dit : « Je ne vends pas des montres, je vends des marges » est-ce que ce n’est pas un mépris du client et pénalisant pour l’industrie horlogère ?
JCB : Ce n’est pas du tout mon approche. Si la qualité et la valeur perçue sont au rendez-vous le client n’aura pas cette sensation. Bien sûr, si vous vendez une montre 100.000 frs et que la valeur perçue est de 60.000 frs, il est clair que les clients seront frustrés.
 
A l’inverse, si vous vendez une montre 100.000 frs et que la valeur perçue est de 150.000 frs, il n’y aura pas de problème. Si la montre que vous vendez à une capacité de revente intacte plusieurs années plus tard, là encore, le prix se justifie. La valeur de revente doit être préservée.
 
D’autre part, plus le prix est cher plus les marges sont petites. Elles sont simplement grosses en quantité et non en pourcentage. Les marges d’une montre acier sont beaucoup plus importantes que sur une montre en or. Une lunette en carbone ou une lunette sertie ont des facteurs de multiplications différents et les marges sont moindres…

Propos recueillis par Joel Chassaing-Cuvillier

Montres-de-luxe.com | Publié le 19 Novembre 2018 | Lu 2960 fois







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