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Kenjiro Suzuki : le plus parisien des tailleurs japonais


Installé depuis 2012 dans le VIIIème arrondissement de la capitale, le tailleur japonais Kenjiro Suzuki propose un « bespoke » sans compromis qui a su séduire les amateurs de la coupe parisienne autant à Paris qu’au Japon où il continue de se rendre régulièrement pour servir ses clients. A la découverte du plus parisien des tailleurs nippons. NB : Depuis la rédaction de cet article en 2021, Kenjiro Suzuki est reparti travailler à Tokyo.



À quelques encablures du très chic Bristol se trouve un petit atelier discret, sis au numéro 38 de la rue de Penthièvre (ndlr : changement d'adresse en 2022, voir en fin d'article). Dès que l’on franchit le seuil de la porte, on est entouré, à droite comme à gauche par des apiéceurs qui s’affairent à piquer à la main -dans le jargon « tailleur », on parle d’entoilage- des vestes et des vestons.
 
C’est la marque d’une veste de tailleur conçue dans les règles de l’art. Cet entoilage est réalisé en crin de cheval ; il va se loger entre le tissu extérieur (laine, lin, cachemire, etc.) du costume et la soie de la doublure. Plus durable et plus souple que le thermocollant, c’est cet entoilage qui donnera à la veste tout son tombé. Plus durable et plus souple, certes, mais aussi et surtout, nettement plus technique et luxueux !
 
Bref, dès l’entrée dans l’atelier, le ton est donné : chez Kenjiro Suzuki, pas de thermocollant ! Ni aucune machine Strobel pour remplacer ce que la main de l’homme peut faire... Ici, pas de triche, même dans les parties qui resteront cachées aux yeux du client. Incontestablement, c’est une volonté jusqu’au-boutiste de respecter les règles du tailleur parisien qui anime l’infatigable Kenjiro Suzuki.

Voici donc un tailleur aux antipodes de l’image d’Epinal de ce métier : de fait, dans l’inconscient collectif, les tailleurs sont souvent de très respectables messieurs d’un certain âge, voire d’un âge certain, qui portent l’indispensable ensemble blazer bleu-nuit et pantalon gris-fer.
 
Au contraire, ce jeune tailleur japonais est plein d’entrain ; habillé d’un costume trois pièces éclatant, associé à une cravate à larges motifs années cinquante (KZ propose sa propre collection), il est de surcroit chaussé par Aubercy, grand bottier parisien et marque d’esthètes !
 
Au poignet, portée par-dessus le poignet de sa chemise, on remarque une Rolex vintage ; mais ç’eut pu être une Omega ou une Tank de Cartier des années soixante qui devrait bientôt rejoindre sa collection...

À l’étage, installé confortablement dans un fauteuil qui décore un salon d’essayage intimiste et cosy, le maître des lieux –qui travaille avec sa femme- revient sur ce long parcours qui l’a mené à devenir l’un des meilleurs tailleurs parisiens...
 
Kenjiro Suzuki grandit à Tokyo et décide de devenir tailleur en suivant l’exemple de son beau-père. Tout d’abord, et en toute logique, il lui faudra commencer par choisir une école du coupe. Pour lui, c’était une évidence. Son apprentissage ne serait ni à Hong-Kong où la coupe internationale règne, ni à Savile Row où l’on enseigne une coupe conservatrice, pas plus qu’à Naples, reine du moment pour les tailleurs...
 
Non ! Inspiré par les stylistes nippons comme Kenzo, Issey Miyake, Yohji Yamamoto et Rei Kawakubo, ce sera à Paris que Kenjiro Suzuki s’installera, pour y pratiquer son métier, sa passion.

Si Paris est reconnue internationalement pour sa place incontestée dans l’univers de la Haute-Couture, force est de reconnaître que le style tailleur français a largement perdu de sa superbe au fil des années -à tort, d’ailleurs ! C’est pourtant ce style si français, si parisien, que Kenjiro Suzuki absorbera avec passion dès son arrivée en France en 2003.
 
Ce long et fastidieux apprentissage commencera à l’AICP (Académie Internationale de Coupe de Paris) dans le XVème arrondissement où Kenjiro Suzuki se familiarisera avec la méthode française séculaire : la fameuse méthode Daroux-Vauclair.
 
Cette dernière lui sera enseignée par Jean-Philippe Vauclair, qui, fortement impressionné par la pugnacité et la qualité du travail de son jeune apprenti, l’aidera à entrer, stagiaire, chez Lanvin, puis chez Pierre Degand à Bruxelles, avant de dégoter un premier emploi dans la prestigieuse maison Camps de Luca sous l’égide de Marc de Luca.

Là, Kenjiro Suzuki y sera apiéceur, c'est-à-dire l’ouvrier qui entoile et assemble les divers éléments d’un costume. Mais le jeune tailleur est ambitieux et veut devenir coupeur, soit le grade de tailleur le plus élevé.
 
En effet, il revient au coupeur de dessiner le patron du costume selon les desiderata du client tout en tenant compte du style du tissu et surtout, de celui de sa maison, puis de couper l’étoffe ; sachant que seule une poignée de tailleurs est capable de réaliser ce travail. « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » disait Boileau dans l’Art poétique… Cela s’applique bien évidemment à cet artisanat qui demande des années de pratique !
 
Grâce à l’insistance de Jean-Philippe Vauclair, cet apprentissage de la coupe se fera en 2007 chez Francesco Smalto, « le tailleur parisien le plus italien » qui soit -ou peut-être l’inverse. Pour Suzuki, il n’y a pas d’hésitation possible : Smalto est un génie, quasiment une divinité dans le milieu du bespoke ! En invoquant l'ingéniosité de feu son maître, les yeux de Kenjiro Suzuki pétillent.

Pour autant, si le tailleur reconnaît à Smalto nombre d’inventions intéressantes, comme le découpage à la chaîne du travail des apiéceurs qui permet de fournir jusqu’à cinq cols et revers par jour contre moitié moins en général, Smalto, c’est aussi et surtout une époque et un style ! Celle de la fin des années 1970 avec une coupe particulièrement structurée que beaucoup appelleront la « coupe française ».
 
On imagine alors le jeune Suzuki méditer sur la polyvalence de la coupe Smalto, tout en menant les essayages des costumes avant de les livrer à leurs propriétaires. En effet, à l’époque, la clientèle de Smalto est notoirement originaire d’Afrique du nord ou d’Afrique subsaharienne ; des clients à la morphologie -et à la corpulence- bien évidemment très éloignée de celle de ses compatriotes de son Japon natal !

C’est précisément pour cela que Kenjiro Suzuki décida de s’établir à son compte en 2012. Afin de faire découvrir la coupe française à une clientèle japonaise. Pour cela, il lui faudra beaucoup de travail afin de transformer la coupe Smalto et l’adapter à cette clientèle plus menue, si exigeante et plutôt habituée à la coupe italienne…

A ce titre, le style Kenjiro Suzuki pourrait être qualifié de « déclaration d’amour » à l’art tailleur parisien. On trouve chez lui, l’obsession maniaque de dessiner autour du client une silhouette structurée et nette qui élance et amincit à l’aide des tissus les plus luxueux du marché (Zegna, Loro Piana, Drapers, Caccioppoli, Holland & Sherry).
 
Mais on trouve aussi au 38 rue de Penthièvre, tous les codes habituels de l’excellence parisienne : bien sûr, le cran de revers parisien, dont l’angle d’ouverture demande une connaissance technique et du goût ; la fine boutonnière milanaise qui le décore ainsi qu’une épaule montée légèrement en « pagode ».

Cependant, il serait très réducteur de considérer que le style de Kenjiro Suzuki se borne à une copie pure et simple du style parisien classique. C’est avec beaucoup de goût que le tailleur n’a cessé de travailler à assouplir un style souvent critiqué comme trop sérieux et très conservateur.

Pour Suzuki, une veste se doit d’être souple ; et ses épaules doivent avoir le moins d'épaulettes possible, comme à Naples ! D’ailleurs, Kenjiro Suzuki ne rechigne pas à réaliser la fameuse épaule napolitaine -l’épaule chemise- pour ses clients qui en exprime l’envie.
 
D’un point de vue strictement esthétique, le style Suzuki rend hommage à une ligne française de la Belle Époque (1880-1914), avec des vestes qui se boutonnent un peu plus bas que d’habitude et des revers tout en rondeur. En résulte un vêtement structuré mais souple, moderne mais empreint d’histoire… Une histoire, une culture et un savoir-faire bien français que Kenjiro Suzuki enseigne et défend à ses clients !
 
Cette clientèle, patiemment construite au fil des années, se compose d’une moitié de Français et d’une autre de Japonais. Au Japon, Kenjiro Suzuki rencontre un bel engouement puisqu'il réalise trois fois par an des « trunk shows » dans le quartier de Ginza, dans le fameux grand magasin Wako appartenant à Seiko. Ses rendez-vous nippons sont toujours attendus et permettent à Suzuki de rentrer à Paris avec de belles commandes !
 
Avec un délai de réalisation de presque trois mois et demi et trois essayages, comptez 5.800 euros pour un costume deux-pièces. Le plus parisien des tailleurs japonais vous donne rendez-vous rue de Penthièvre pour un expérience unique à Paris !

Raphaël Sagodira

Kenjiro Suzuki : le plus parisien des tailleurs japonais
Kenjiro Suzuki
5 rue d’Edimbourg
75008 Paris FRANCE
 
Tel: +33 (0) 6 72 77 29 81
 
contact@kssm-cecilia.com


Montres-de-luxe.com | Publié le 28 Août 2021 | Lu 14195 fois


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